Dans notre monde moderne, un État qui ne dispose pas de réserves d’or fait figure d’exception. Très peu de pays ont fait le choix de ne pas ou ne plus détenir de métal doré. Parmi ces rares pays, on peut citer la Norvège, mais surtout le Canada, seul pays du G8 à avoir entièrement liquidé ses réserves stratégiques en or depuis 2016 (1150 dollars l’once à l’époque).
Ce choix peut sembler d’autant plus regrettable que le cours de l’or a quasiment triplé en moins de dix ans. De même, il faut rappeler que, historiquement, le Canada, au même titre que les États-Unis, s’est notamment construit sur la ruée vers l’or à la fin du XIXᵉ siècle.
SOMMAIRE DE L'ARTICLE :
- La fièvre aurifère sur les terres canadiennes
- L'évolution stratégique du stock d'or du Canada
- Le Canada a-t-il totalement abandonné l'or ?
La fièvre aurifère sur les terres canadiennes
Cette épopée dite de « la ruée vers l’or du Klondike » a laissé une empreinte indélébile sur l'histoire du Canada puisqu’elle a participé à la construction de la nation canadienne en entraînant un afflux massif de prospecteurs dans le nord-ouest du pays, à la recherche de fortune.
Les experts estiment qu’à son apogée, la ruée vers l'or a attiré près de 100.000 personnes vers le Yukon. Cependant, beaucoup n’arriveront pas à destination, car les chercheurs d'or devaient affronter des conditions extrêmes pour y accéder et y vivre au quotidien.
À cette époque, Dawson City est une petite agglomération qui va connaître une expansion rapide avec plus de 30.000 habitants en quelques mois. À tel point que cet afflux de population va pousser le Canada à créer officiellement le territoire du Yukon en 1898 afin de mieux administrer cette région stratégique.
Mais cette période dorée ne va durer qu’un court laps de temps puisque dès 1899, l'épuisement des gisements accessibles va se ressentir et le Yukon va subir la découverte de nouveaux filons du côté de l’Alaska américain cette fois-ci.

L’évolution stratégique du stock d’or du Canada
Le tournant de l’après-guerre
Les accords de Bretton Woods en 1944 ont mis en place un système monétaire international pour favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. Il a donc été décidé par les dirigeants de l’époque de revenir au système de « l'étalon-or ».
Concrètement, la valeur d’un dollar américain était indexée sur celui de l’or avec une référence de 35 dollars par once d’or. Dans le même temps, les monnaies internationales se voyaient indexées sur le dollar. En contrepartie, le gouvernement américain garantissait la valeur du dollar.
Cela a donc incité les banques centrales, dont celle du Canada, à se constituer une réserve de dollar américain au détriment d’une réserve d’or. Dans cette logique, le Canada va adopter une politique de liquidation progressive de ses réserves aurifères. Preuve en est, en 1971, la Banque du Canada détenait encore plus de 1.000 tonnes d’or. En 2000, le stock d’or n’était plus que de 46 tonnes. Plus largement, entre 2000 et 2024, les réserves d’or ont été en moyenne d’un peu moins de 6 tonnes.

Source : Tradingview. Niveau des réserves d’or du Canada depuis 2000
La liquidation finale des réserves en 2016
À cette époque, et quelques années après la crise des subprimes de 2008 et celle des dettes souveraines de 2011, de nombreux pays comme les États-Unis, l'Allemagne ou encore la Russie, poursuivent leurs efforts pour renforcer leurs stocks d'or en tant que garantie contre les crises économiques.
De son côté, le Canada fait un choix stratégique opposé. En effet, à fin 2015, le Canada détenait 2,7 tonnes d’or (95.894 onces) selon les données du ministère des Finances. Dans les semaines qui suivront, le gouvernement va vendre 41.106 onces d’or puis encore 32.860 onces pour n’en détenir que 21.929 onces soit 0,62 tonne. Convertie en dollar de l’époque, cela représentait 24 millions de dollars fin janvier 2016.
Mais qu’a fait le Canada du produit de ces ventes massives ? L’objectif était d’acheter des actifs « ayant le potentiel de générer un revenu d’intérêts et plus facilement liquides et négociables ». Il est vrai que l’or ne produit pas d’intérêt, mais l’or est un actif qui offre de la protection et surtout des plus-values sur le long terme.
Ce choix est particulièrement pénalisant aujourd’hui, car l'absence de réserves d'or signifie que le Canada dépend principalement de sa monnaie fiduciaire et de ses actifs financiers pour stabiliser son économie. De facto, le pays serait plus vulnérable aux crises économiques et à l'inflation (par exemple, les droits de douane mis en place par la nouvelle administration Trump).

Le Canada a-t-il totalement abandonné l’or ?
C’est également l’une des raisons qui justifie l’abandon des stocks d’or par le Canada, car le « coffre-fort » du Canada, c’est son territoire. Nul besoin de détenir de grandes quantités d’or quand on peut en extraire soi-même.
Le Canada reste effectivement un acteur majeur de l'industrie aurifère mondiale. Il faut savoir qu’en 2024, la production d'or canadienne s'élevait à environ 200 tonnes, faisant du pays le quatrième producteur mondial. Depuis 2013, la production d’or canadienne a même augmenté de 55 %.

Source : Statista, principaux pays producteur d’or dans le monde en 2024 (en tonnes)
Le Canada détient également l’un des deux plus grands producteurs mondiaux d’or avec la société Barrick Gold. Sur les dix premiers groupes aurifères mondiaux, quatre sont canadiens.
À savoir, selon le ministère des Ressources naturelles, l’or s’extrait principalement dans les provinces de l’Ontario (88,9 tonnes d’or extraites), du Québec (50,8 tonnes produites), et du Nunavut (25,5 tonnes). Parmi les principales mines canadiennes, il y a la mine Canadian Malartic (Québec). Cette grande mine à ciel ouvert à des réserves estimées à plus de 10 millions d'onces.
Conclusion
Il y aura eu la ruée vers l'or du Klondike à la fin du XIXe siècle, il y a désormais la ruée vers l’or du XXIe siècle. Après avoir fait le choix contesté de se désengager de la détention de réserves officielles, le Canada fait désormais machine arrière et relance massivement son industrie d’extraction d’or à la faveur d’une envolée des cours.
Mais en réalité, le Canada n’a pas attendu ces dernières années pour agir, car de tels projets miniers ne se décident pas en quelques mois. Selon l’agence S&P Global, dans une étude portant sur 70 mines d’or dans le monde, la moyenne internationale de temps entre la découverte d’un gisement d’or et le début de son exploitation est d’environ 15 ans.
Par Sébastien Gatel
Diplômé en droit et en finance de marché, Sébastien a exercé dans des institutions financières et en gestion de patrimoine pendant de nombreuses années. En parallèle, il intervient dans différents médias à destination des professionnels et des particuliers pour décrypter l'actualité financière et vulgariser des questions relatives aux placements et aux investissements.